Baidu 2025 : relancer la croissance grâce à l’IA et au cloud
- Administrateur
- 26 mai
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Fondé en 2000 par Robin Li, Baidu est longtemps resté la porte d’entrée d’Internet en Chine. Son moteur de recherche, souvent comparé à Google, lui a permis de bâtir un empire publicitaire très rentable. Mais depuis la fin des années 2010, la société affiche une progression beaucoup plus lente que ses pairs chinois. Entre concurrence féroce, virages technologiques manqués et régulation accrue, Baidu doit désormais se réinventer pour retrouver une dynamique de croissance.
Activités et écosystème
Le moteur de recherche reste le cœur économique : la publicité liée aux requêtes et au flux d’actualités de l’application Baidu App représente encore plus de la moitié du chiffre d’affaires. Autour de ce noyau, Baidu a construit un portefeuille de services : Baidu Maps pour la navigation, Baidu Baike (encyclopédie), Baidu Tieba (forums), Wenku (documents en ligne) et un ensemble d’outils de traduction, de stockage et de navigation. Surtout, le groupe a massivement investi dans l’intelligence artificielle : assistant vocal Xiaodu, puces Kunlun optimisées pour l’apprentissage profond, et plateforme Apollo dédiée aux véhicules autonomes. Enfin, Baidu contrôle iQIYI, l’un des trois géants chinois du streaming vidéo.
Présence géographique et secteurs clés
Baidu tire l’écrasante majorité de ses revenus du marché domestique, où il détient encore plus de la moitié des recherches web. Sa présence internationale se limite à quelques centres de R&D et à des pilotes de robotaxis hors de Chine. Les quatre piliers stratégiques sont :
Publicité en ligne – cœur historique mais en déclin récent.
Cloud et IA – segment en plus forte croissance, tiré par la demande des entreprises chinoises pour des solutions souveraines.
Mobilité autonome – via Apollo et le service de robotaxis Apollo Go, déjà commerciaux dans plusieurs grandes villes.
Divertissement – iQIYI, plateforme de streaming qui cherche encore le bon équilibre entre contenu premium et rentabilité.
Pourquoi la croissance a ralenti
Coup de frein macro-économique : la faiblesse de la consommation et de l’immobilier depuis 2022 a réduit les budgets publicitaires des PME, première clientèle de Baidu.
Essor de nouveaux géants mobiles : WeChat, Douyin et Toutiao captent désormais l’essentiel de l’attention et de la publicité, reléguant la recherche à un usage de consultation plus ponctuel.
Transition mobile retardée : Baidu a tardé à créer une « super-app » intégrée ; son audience s’est érodée au profit d’écosystèmes fermés plus engageants.
Scandales et régulation : l’affaire Wei Zexi de 2016 a écorné la réputation du moteur, tandis que Pékin impose depuis 2021 des règles plus strictes sur la publicité et les algorithmes.
Investissements lourds : plus de 20 % des revenus partent chaque année en R&D pour l’IA, les chips et les robotaxis ; ces paris ne génèrent pas encore un flux de trésorerie équivalent.

Erreurs stratégiques et occasions manquées
Baidu a sous-estimé l’importance des réseaux sociaux, laissant Sina Weibo, WeChat ou Xiaohongshu dominer la conversation en ligne. Ses incursions dans l’e-commerce (Youa, Nuomi) ont échoué, abandonnant à Alibaba, JD ou Pinduoduo un marché devenu colossal. En vidéo courte, le groupe n’a pas su contrer Douyin ou Kuaishou. Enfin, la monétisation agressive de liens sponsorisés mal différenciés a entamé la confiance des utilisateurs et attiré la vigilance des autorités.
Atouts pour rebondir
Monopole linguistique : en l’absence de Google, Baidu reste la référence pour la recherche en mandarin, générant un flux massif de données utiles à ses algorithmes.
Excellence IA : son grand modèle Ernie rivalise désormais avec les meilleurs modèles occidentaux ; le framework open-source PaddlePaddle a fédéré un large écosystème de développeurs chinois.
Croissance soutenue du cloud : Baidu AI Cloud figure parmi les trois premiers fournisseurs nationaux et bénéficie des besoins de « souveraineté numérique » encouragés par l’État.
Avance dans l’autonome : Apollo a déjà parcouru des dizaines de millions de kilomètres en tests ; Baidu possède les données, les autorisations et la technologie pour étendre rapidement Apollo Go.
Soutien politique implicite : Pékin voit en Baidu un « champion national » dans l’IA ; cela facilite l’obtention de contrats publics et de licences clés (smart city, santé, éducation).
iQIYI : entre redressement et incertitudes
Après des années de pertes, le streamer a atteint pour la première fois l’équilibre en 2023 grâce à la hausse des tarifs et à des coupes dans les dépenses de contenus. Mais la croissance des abonnements a reculé en 2024, la concurrence de Tencent Video et Youku limitant la capacité d’augmenter les prix. iQIYI teste désormais des formats plus courts et une expansion modeste en Asie du Sud-Est. Son avenir dépendra de sa capacité à produire des séries à succès tout en maîtrisant ses coûts. Pour Baidu, iQIYI reste un actif stratégique — mais potentiellement cédable si le groupe choisit de recentrer ses investissements sur l’IA et le cloud.
Perspectives 2025-2030
Rebond publicitaire modéré : un retour à la croissance est attendu dès fin 2025 si l’économie se stabilise, mais le search pur restera un marché mature.
Monétisation de l’IA générative : Baidu peut facturer l’accès à Ernie Bot via des API, proposer des versions premium de son moteur ou vendre des suites bureautiques assistées par IA.
Cloud comme moteur principal : le cloud et les services IA aux entreprises pourraient devenir le premier relais de croissance hors publicité, voire dépasser à terme le search en contribution aux profits.
Robotaxis à plus grande échelle : si la réglementation suit, Apollo Go pourrait s’étendre dans vingt villes chinoises d’ici 2027 ; des partenariats à l’étranger restent possibles mais dépendront des barrières réglementaires locales.
Équilibre rentabilité-innovation : la Bourse réclame des résultats tangibles ; Baidu devra arbitrer entre maintenir 20 % de R&D et dégager des marges satisfaisantes. Des cessions — iQIYI ou des activités non-stratégiques fintech/éducation — pourraient financer la montée en puissance du cloud ou de l’autonome.
Conclusion
Vingt-cinq ans après sa création, Baidu reste un pilier de l’Internet chinois, mais son poids relatif s’est réduit face à Tencent, Alibaba ou ByteDance. La société possède pourtant deux leviers uniques : l’expertise de pointe en intelligence artificielle et une position dominante dans la recherche en mandarin. Si elle parvient à transformer Ernie, son cloud et Apollo en vecteurs de revenus récurrents tout en réhabilitant son offre publicitaire, Baidu peut renouer avec une trajectoire ascendante et justifier une revalorisation boursière. À défaut, elle risquerait de demeurer un acteur secondaire, cantonné à la recherche et à des paris technologiques coûteux. Les trois à cinq prochaines années seront donc cruciales : l’exécution stratégique, la capacité à convertir l’innovation en cash-flow et le maintien de la confiance des utilisateurs détermineront si Baidu connaîtra un véritable second souffle ou restera dans l’ombre de nouveaux champions du numérique chinois.
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