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Smic : le fondeur chinois entre montée en puissance et dépendance stratégique

  • Administrateur
  • il y a 2 jours
  • 4 min de lecture

Entre 2019 et 2025, Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC) s’est hissé au rang de troisième fondeur mondial. Sa trajectoire illustre l’ambition chinoise d’autonomie technologique : multiplication des usines, bond de chiffre d’affaires, mais aussi pressions géopolitiques et fragilité des marges. Cette synthèse retrace ses activités, marchés, actionnariat, performances financières et stratégie d’investissement, afin de situer SMIC dans la course mondiale aux semi-conducteurs.


Activités et spécialisation technologique


Fondateur « pure-play », SMIC produit des puces pour des concepteurs tiers sur plaques 200 mm et 300 mm. Son cœur repose sur les nœuds dits matures (90 nm à 28 nm), complétés depuis 2019 par le 14 nm FinFET et, plus récemment, un 7 nm dérivé sans équipement EUV. Le groupe étend sa palette vers des procédés analogiques spécialisés (haute tension, RF, image) via des coentreprises, ce qui lui ouvre l’automobile, l’IoT et la réalité augmentée. Les fabs de Shanghai, Pékin, Shenzhen et Tianjin tournent désormais à près de 950 000 wafers 8’’ équivalent par mois, un bond de plus de 35 % en cinq ans.


Marchés clés et dépendance géographique


Le durcissement des sanctions américaines a recentré SMIC sur la Chine : la part du marché domestique est passée d’environ 70 % à 85 % du chiffre d’affaires entre 2019 et 2024. Les smartphones, autrefois premiers débouchés, ne représentent plus qu’un quart des ventes. Les appareils grand public connectés (téléviseurs, wearables, électroménager intelligent) pèsent désormais près de 40 %. L’informatique personnelle, l’IoT industriel et, dans une moindre mesure, l’automobile, complètent le mix. Cette concentration intérieure garantit des volumes mais accroît la dépendance à la santé de la demande chinoise.



Structure actionnariale et implications


Cotée à Hong Kong et Shanghai, SMIC reste étroitement contrôlée par l’État : Datang Telecom, le « Big Fund » national et la SASAC cumulent plus d’un quart du capital. Cet ancrage public assure un accès privilégié aux subventions, prêts bonifiés et partenariats locaux. Il expose toutefois la société aux restrictions américaines pour soupçon de liens militaires. Le soutien officiel permet de financer l’expansion accélérée tout en maintenant un bilan soutenable, mais limite son autonomie stratégique.


Positionnement concurrentiel


  • TSMC domine toujours la technologie de pointe (5 nm, 3 nm) avec des marges nettes supérieures à 40 %. SMIC, cantonné au ≥7 nm, se positionne comme fournisseur de substitution pour la Chine plutôt que rival direct haut de gamme.

  • Samsung Foundry combine fondeur et fabrication interne, possède l’EUV et investit hors de Corée. SMIC reste en retard technologique et géographiquement limité, mais égale Samsung sur le segment mature domestique.

  • Intel Foundry Services s’ouvre aux tiers sur le haut de gamme américain ; la concurrence avec SMIC est indirecte, chacun servant son bloc géopolitique.

  • GlobalFoundries a choisi d’exploiter les nœuds matures à Singapour, Europe et États-Unis. Les deux groupes se ressemblent par la gamme technologique, mais GF opère sans embargo tandis que SMIC bénéficie d’un marché captif géant.

Ainsi, SMIC s’impose comme champion regional des procédés intermédiaires, tout en visant le rattrapage graduel sur le 5 nm grâce à des solutions maison.


Performances financières et rentabilité


Le chiffre d’affaires a franchi 8 milliards $ en 2024 (+27 % sur un an), mais le bénéfice net a chuté de 45 % à 493 millions $, ramenant la marge nette sous 6 %. Trois facteurs l’expliquent :

  1. Mix technologique peu rémunérateur : les nœuds ≥28 nm génèrent moins de valeur ajoutée que les procédés avancés.

  2. Concurrence domestique accrue : Hua Hong et Nexchip pressent les prix sur le 28/40 nm.

  3. Charges fixes élevées : R&D représentant 12-16 % du CA et amortissements croissants de nouvelles fabs.

Malgré cela, l’EBITDA progresse et la trésorerie reste solide, portée par le remplissage record des lignes de production et les subventions locales.


Stratégie d’investissement et montée en capacité


Depuis 2019, SMIC a lancé plusieurs mégaprojets : Shenzhen (40 000 wafers/mois), Pékin Jingcheng (jusqu’à 100 000 wpm) et extensions de Shanghai, pour un capex annuel supérieur à 7 milliards $. Objectifs :

  • Soutenir la demande interne en nœuds matures, stratégique pour l’automobile, la 5G et l’électronique domestique.

  • Développer des procédés avancés sans EUV ; le 7 nm DUV multipasse est déjà en production limitée pour Huawei, le 5 nm est visé à l’horizon 2025.

  • Servir la souveraineté chinoise : chaque fab implique des gouvernements provinciaux qui co-investissent et garantissent débouchés, reflétant la volonté nationale d’atteindre 75 % d’autosuffisance à long terme.

Ces dépenses réduisent la rentabilité immédiate mais préparent l’outil industriel pour la prochaine décennie.



Enseignements pour l’industrie chinoise des puces


Le cas SMIC révèle :

  • Un rattrapage spectaculaire sur les nœuds intermédiaires ; la Chine contrôle désormais près d’un tiers de la capacité mondiale 28-65 nm.

  • Un retard persistant sur le très haut de gamme ; sans accès à l’EUV, l’écart 3-5 nm reste large.

  • Un modèle mixte marché-État : la demande domestique alimente les volumes, l’État finance l’expansion, mais l’efficacité capitalistique est parfois questionnée.

  • Une résilience géopolitique partielle : les sanctions ont stimulé l’innovation locale, mais la chaîne d’approvisionnement (EDA, matériaux, équipements critiques) demeure vulnérable.

  • Une concurrence future multiblocs : États-Unis, Europe, Corée et Taïwan multiplient leurs propres plans de subventions (CHIPS Act, European Chips Act), annonçant un monde de capacités redondantes et de course aux subventions.


Conclusion


Sur 2019-2025, SMIC est passé d’acteur national ambitieux à pilier incontournable de la microélectronique chinoise. Son expansion fulgurante, portée par un marché intérieur massif et un État stratège, lui a permis de rivaliser en volume avec GlobalFoundries et de combler partiellement son retard sur Samsung. Pourtant, l’absence d’équipements EUV, la compression des marges et la dépendance aux subventions soulignent la fragilité de ce modèle. À moyen terme, SMIC devrait consolider sa suprématie sur les nœuds matures et étendre ses procédés FinFET, tandis que le 5 nm domestique déterminera sa capacité à réduire l’écart technologique. Au-delà de sa propre destinée, SMIC reste un baromètre de la capacité de la Chine à transformer ses vastes ressources en leadership semi-conducteur durable.




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