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Ferrari entre rareté et innovation : une stratégie de croissance ultra-luxe

  • Administrateur
  • 14 juin
  • 6 min de lecture

Depuis son entrée en Bourse en 2015, Ferrari s’est imposée comme l’un des actifs les plus recherchés du secteur luxe-automobile. Entre 2019 et 2025, le constructeur a fait passer ses livraisons de 10 131 à 13 752 véhicules et quasiment doublé son chiffre d’affaires, atteignant 6,68 Mds € en 2024. Cette trajectoire contraste avec le ralentissement observé chez la plupart des griffes premium post-COVID. Le secret ? Un modèle économique fondé sur la rareté, un portefeuille produit en perpétuel renouvellement et une électrification soigneusement orchestrée.


Activités : un écosystème diversifié autour de la voiture de rêve


Le cœur de métier reste la conception et la vente de voitures de sport et de grand tourisme à très haute performance. La gamme 2025 comprend neuf modèles thermiques (ICE) ou hybrides, des séries spéciales à tirage limité et des éditions « Icona » inspirées du patrimoine. Les revenus automobiles englobent la vente de véhicules neufs, de pièces détachées et de programmes de personnalisation ultra-haut de gamme : plus de 25 % des clients utilisent désormais le service « Tailor Made », source de marges brutes supérieures à 70 %.

Autour de cette activité pivot gravitent trois pôles :

  • Sponsoring et compétitions : la Scuderia Ferrari en F1, l’équipe WEC et la gestion des droits commerciaux génèrent des flux de trésorerie récurrents et renforcent la notoriété.

  • Brand lifestyle : licences (mode, maroquinerie, jeux vidéo), musées, parcs à thème et boutiques monomarques transforment l’ADN sportif en expériences immersives.

  • Services financiers : leasing et financement sur mesure facilitent l’accès à des configurations dépassant souvent 500 k€, tout en fidélisant une clientèle HNWI.

Cette diversification reste cependant mesurée : plus de 80 % du chiffre d’affaires provient encore directement de l’automobile, garantissant la cohérence du positionnement.


Marchés : une demande mondiale gérée au compte-gouttes


Ferrari exploite 178 concessionnaires dans 52 pays, mais contrôle strictement les allocations régionales pour maintenir des listes d’attente de 12 à 24 mois. En 2024 :

  • Amériques : 34 % des livraisons, portée par la vigueur de la demande américaine et la parité dollar/euro avantageuse.

  • EMEA : 41 %, avec l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie comme bastions historiques.

  • APAC : 25 %, dont 8 % pour la Chine continentale, marché à haut potentiel mais soumis à des quotas permettant d’éviter toute banalisation.


Chaque zone bénéficie d’événements privés – Cavalcades, track days, programmes XX – qui entretiennent le sentiment d’appartenance et justifient des tickets d’entrée toujours plus élevés.


Actionnariat : stabilité et flexibilité


Le capital est dominé par Exor (≈ 20 %) et le trust Piero Ferrari (≈ 10 %). Le mécanisme de vote double confère à Exor près de 30 % des droits, assurant la continuité stratégique tout en offrant une liquidité suffisante : plus de 58 % du flottant est librement négocié. Les rachats d’actions (300 M€ en 2024, programme 2022-2026 d’1,5 Md€) soutiennent le BPA et fournissent une réserve d’actions propres pour la rémunération long terme des cadres.


Positionnement : l’ultra-luxe expérientiel


Ferrari ne vend pas des voitures ; elle vend des œuvres d’ingénierie et une appartenance à un cercle restreint. Cinq piliers structurent cette proposition de valeur :

  1. Performance absolue : transfer de technologies F1 (aérodynamique active, systèmes hybrides) vers la route.

  2. Design italien intemporel : chaque modèle se veut une sculpture roulante, immédiatement identifiable.

  3. Rareté organisée : production inférieure à 14 000 unités annuelles, bien en deçà de la demande adressable.

  4. Programme de personnalisation : combinaisons quasi infinies (cuirs, peintures historiques, fibres innovantes) pour un supplément moyen >20 % du prix catalogue.

  5. Valeur résiduelle hors normes : une Ferrari se revend souvent au-delà de son prix d’achat, réduisant le coût de possession et encourageant le renouvellement.


Ce cocktail place Ferrari au même rang qu’Hermès ou Patek Philippe dans l’imaginaire luxe, plutôt qu’en rival direct de Porsche ou Mercedes-AMG.


Performances financières


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En cinq ans, le chiffre d’affaires a bondi de 77 % pour un volume en hausse de 35 %, illustrant la puissance du mix prix / options. La marge EBITDA oscille désormais autour de 38 %, niveau rarement atteint dans l’industrie automobile, y compris par Porsche (≈ 28 %) ou Lamborghini (≈ 32 %). La génération de cash soutient à la fois 1 Md€ d’investissements annuels (électrification, extension de l’usine de Maranello) et une politique de retour aux actionnaires mixte : dividende de 2,44 €/action en 2024 (+35 % vs 2021) et rachat d’actions.


Moteurs de croissance post-COVID


Portefeuille renouveléEntre 2020 et 2024, Ferrari a lancé sept modèles majeurs, dont les hybrides SF90 Stradale, 296 GTB/Spider et le Purosangue, premier « FUV » quatre portes. À chaque sortie, la presse spécialisée salue l’équilibre entre tradition mécanique et innovation électrique, élargissant la base de clientèle sans sacrifier l’exclusivité.

Mix prix et personnalisationLa contribution moyenne des options est passée de 15 % du prix facture en 2019 à 22 % en 2024. Les séries limitées (Daytona SP3, 812 Competizione) se négocient au-delà de 1,5 M€ et se vendent avant même leur présentation officielle, garantissant une rentabilité record.

Expansion géographique sélectiveLa Chine affiche un bond de +72 % des livraisons en 2022 grâce à la levée des restrictions sanitaires, preuve de réservoirs de croissance encore sous-exploités. Parallèlement, le Moyen-Orient bénéficie d’expériences exclusives (Ferrari Safari, track days à Yas Marina) et d’une clientèle insensible aux cycles économiques.

Technologie et durabilitéL’inauguration de l’« e-Building » en 2024 marque le virage vers l’électrique : capacité annuelle = 15 000 batteries, équivalent à la production cible de 2026. La première Ferrari 100 % électrique promet une autonomie de 450 km et un 0-100 km/h en <2 s. L’objectif – 60 % d’hybrides ou BEV dans les ventes 2030 – sécurise l’accès aux marchés à faibles émissions, notamment l’UE et la Californie.


Rareté vs volumes : l’équilibre subtil


La stratégie consiste à laisser la demande excéder l’offre : carnets de commandes pleins jusqu’en 2026, avec un multiple de 3 sur certains modèles (812 Competizione). Cette tension justifie :

  • Des hausses tarifaires annuelles de 5-10 % sans impact négatif sur les prises de commandes.

  • Une politique « no discount » absolue, même en période d’incertitude macroéconomique.

  • Une marge brute supérieure à 50 % sur les séries limitées, alimentant un EBITDA de 2,5 Md€ attendu dès 2025.

Le principal risque reste la saturation de la clientèle ultra-riche. Ferrari estime néanmoins que moins de 0,1 % des UHNWI mondiaux possèdent une de ses voitures, laissant un gisement suffisant pour maintenir la croissance organique à un rythme moyen de 7-8 % annuel sur la décennie.


Comparaison avec l’industrie du luxe 2024 : Ferrari, l’exception


Alors que les géants du soft-luxury (maroquinerie, mode) ont enregistré en 2024 une baisse de 2 % des ventes, Ferrari affiche +12 %. Trois explications :

  1. Elasticité prix nulle : la base clients, multi-millionnaires, demeure peu sensible aux cycles de consommation de masse.

  2. Produit passion : la voiture de prestige reste un achat émotionnel, souvent hors du budget discrétionnaire domestique.

  3. Valeur d’investissement : la performance des indices dédiés aux voitures de collection dépasse celle de l’art ou des montres, incitant les UHNW à se positionner.


Risques et défis 2025-2026


  • Réglementation CO₂ : l’introduction de BEV répond au Fit-for-55 européen, mais la gestion du son et du poids constitue un enjeu pour préserver l’ADN Ferrari.

  • Capacité industrielle : Maranello atteindra rapidement les limites physiques si la demande reste au-delà de 15 000 unités/an ; une deuxième ligne d’assemblage électrique est planifiée pour 2027.

  • Concurrence technologique : McLaren et Porsche accélèrent sur l’hybridation légère ; Rimac cible le segment hypercar électrique > 2 M€. Ferrari devra prouver que ses BEV peuvent offrir une « âme » mécanique.

  • Gouvernance : la dilution progressive d’Exor pourrait accroître l’activisme actionnarial, même si les droits de vote doubles limitent ce risque à court terme.


Perspectives : cap sur l’électrification sans perdre l’aura

Le plan stratégique présenté en octobre 2025 fixe trois objectifs clés :

  1. CA ≥ 7 Mds € 2025 et EBITDA ≥ 2,68 Mds €, grâce au plein effet Purosangue et aux premières livraisons du prochain hypercar « F80 ».

  2. Ratio hybrides + BEV > 60 % en 2028, sans sacrifier la marge, grâce à la mutualisation plateforme et aux synergies batteries-moteurs.

  3. Diversification soft-power : relais lifestyle pour atteindre 15 % du CA, notamment via la haute couture et l’hôtellerie-expérience.


Le management mise sur la côte d’amour inégalée de la marque pour franchir le cap électrique : chaque modèle BEV sera produit en volumes limités, avec une bande-son numérique personnalisable et un design encore plus sculptural. Si la transition est réussie, Ferrari pourrait rester la référence absolue du luxe automobile, indépendamment de la motorisation.


Conclusion


Entre 2019 et 2025, Ferrari a livré une démonstration d’orthodoxie luxe : gérer la rareté, élever le prix moyen, investir massivement dans le produit et la marque. Résultat : des marges qui tutoient celles des Maisons de haute couture et une capitalisation boursière qui dépasse désormais 70 Mds €. L’équation sera plus complexe à l’ère du véhicule électrique ; mais si l’entreprise parvient à transposer son ADN dans cette nouvelle ère, elle conservera son statut d’icône. Pour l’investisseur comme pour le passionné, Ferrari demeure le parfait exemple d’un business model où la passion se traduit en performance financière.




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